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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/63

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moignage à tous, savoir est, pour iustifier les croyans, et pour condemner iustement les infideles. Suyvant quoy, il est à conclurre que les pervers et iniques, symoniaques, avaricieux et toutes especes de gens meschans, seront tousjours prests à persecuter ceux qui par lignes directes voudront suivre les statuts et ordonnances de nostre Seigneur.

Demande.

Quant au premier poinct, ie te le donne gagné ; mais quant est de ce que tu dis, qu’il est requis vn lieu montueux pour edifier iardins, ie ne puis à ce accorder.

Responce.

Ie sçay que toute folie accoustumee est prinse comme par vne loy et vertu : mais à ce ie ne m’arreste, et ne veux aucunement estre imitateur de mes predecesseurs, sinon en ce qu’ils auront bien fait selon l’ordonnance de Dieu. Ie voy de si grands abus et ignorances en tous les arts, qu’il semble que tout ordre soit la plus grand part peruerti, et qu’vn chacun laboure la terre sans aucune Philosophie, et vont tousiours le trot accoustumé, en ensuiuant la trace de leurs predecesseurs, sans considerer les natures, ny causes principales de l’agriculture.

Demande.

Tu me fais à ce coup plus esbahir de tes propos, que ie ne fus oncques. Il semble à t’ouyr parler, qu’il est requis quelque Philosophie aux laboureurs, chose que ie trouue estrange.

Responce.

Ie te dis qu’il n’est nul art au monde, auquel soit requis vne plus grande Philosophie qu’à l’agriculture, et te dis, que si l’agriculture est conduite sans Philosophie, que c’est autant que iournellement violer la terre, et les choses qu’elle produit ; et m’esmerueille, que la terre et natures produites en icelle, ne crient vengeance contre certains meurtrisseurs, ignorans, et ingrats, qui iournellement ne font que gaster et dissiper les arbres et plantes, sans aucune consideration. Ie t’ose aussi bien dire, que si la terre estoit cultiuée à son deuoir, qu’vn journaut produiroit plus de fruit, que non pas deux, en la sorte qu’elle est cultiuee iournellement. Te souuient-il point auoir leu vne histoire, qu’il y auoit vn certain personnage agriculteur, qui estoit si très bon Philosophe, et subtil inge-