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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/66

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Demande.

Ie ne croy rien de cela, si tu ne me donnes autre raison.

Responce.

Tu dois entendre premierement la cause pourquoy on porte le fumier au champ, et ayant entendu la cause, tu croiras aisement ce que ie t’ay dit. Il faut que tu me confesses, que quand tu apportes le fumier au champ, que c’est pour luy rebailler vne partie de ce qui luy a esté osté : car il est ainsi qu’en semant le blé, on a esperance qu’vn grain en apportera plusieurs : or cela ne peut estre sans prendre quelque substance de la terre, et si le champ a esté semé plusieurs annees, sa substance est emportee auec les pailles et grains. Parquoy, il est besoin de rapporter les fumiers, bouës et immondicitez, et mesme les excremens et ordures, tant des hommes que des bestes, si possible estoit, à fin de rapporter au lieu la mesme substance qui luy aura esté ostee. Et voila pourquoy ie dis, que les fumiers ne doiuent estre mis à la merci des pluyes, parce que les pluyes en passant par lesdits fumiers, emportent le sel, qui est la principale substance et vertu du fumier.

Demande.

Tu m’as dit à présent vn propos, qui me fait plus resuer que tous les autres, et sçay que plusieurs se mocqueront de toy, parce que tu dis, qu’il y a du sel ès fumiers : ie te prie donne moy quelque raison apparente, pour me le faire croire.

Responce.

Par cy deuant tu trouuois estrange que ie te disois qu’il est requis aux laboureurs quelque Philosophie, et à present tu me demandes vne raison, qui est assez despendante de mon premier propos, ie te la diray, mais ie te prie l’auoir en tel estime, comme elle le requiert de soy : en entendant icelle, tu entendras plusieurs choses que par cy deuant tu as ignoré. Note doncques, qu’il n’est aucune semence tant bonne que mauuaise, qui n’apporte en soy quelque espece de sel, et quand les pailles, foins, et autres herbes, sont putrefiees, les eaux qui passent à trauers, emportent le sel qui estoit esdites pailles, et autres herbes, ou foins : et tout ainsi comme tu vois qu’vn merlu salé, ou autre poisson, qui auroit long temps trempé, perdroit en fin toute sa substance salsitiue, et en fin n’auroit aucun goust, en cas pareil te faut croire, que les fu-