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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/87

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les rendent là coquille plaisante et admirable. Or quelque temps apres, il y eut vn Aduocat, homme fameux, et amateur des lettres et des arts, qui en disputant de quelque art, il me monstra deux pierres toutes semblables de forme ausdites coquilles d’herisson qui toutesfois estoyent toutes massives ; et soustenoit ledit Aduocat nommé Babaud, que lesdites pierres auoyent esté ainsi taillees par la main de quelque Ouurier, et fut fort estonné, quand ie lui maintins, que lesdites pierres estoyent naturelles, et trouua fort estrange, que ie disois, que ie sçauois bien la cause pourquoy elles auoyent prins vne telle forme en la terre : car i’auois desja consideré, que c’estoit de ces coquilles d’herisson, qui à succession de temps s’estoyent liquifiees, et en fin reduites en pierre, voire que la salsitude de ladite coquille auoit ainsi congelé et reduit en pierre, la terre qui estoit entrée dans ladite coquille : or ay-ie recouuert depuis ce temps-là plusieurs desdites coquilles, qui sont conuerties en pierre. Voila qui te doit faire croire, que iournellement la terre produit des pierres, et qu’en plusieurs lieux la terre se reduit en pierre par l’action du sel, qui fait le principal de la congelation, comme tu peux cognoistre, que pour cause que les coquilles sont salees, elles attirent à soy ce qui leur est propre, pour se reduire en pierre. Item, ay trouué plusieurs coquilles de sourdon, qui estoyent reduites en pierres : toutesfois elles estoyent massiues, combien qu’elles fussent iointes, comme si le poisson eust esté dedans. Et que diras-tu de ceux qui ont trouué des os d’hommes enclos dedans des pierres, et autres ont trouué des monnoyes antiques ? N’est-ce pas bien attestation, que les pierres augmentent en la terre ? Veux tu encore vn bel exemple ? Il y a certaines pierrieres, desquelles la pierre a vn nombre infini de fins, combien qu’elles se tiennent en vne masse, si est-ce qu’en mettant des coins par dessous, elle se fendra aisément, et se leuera en sus. Veux tu sçauoir comme on la tire, sçache que parce que les veines ou fins[1] de ladite pierre sont en trauersant, Vitruue dit qu’en couppant ladite pierre il faut marquer son lict : car si les Massons mettoyent la pierre qui estoit couchée en son lict debout, le bout qui estoit de trauers, cela causeroit que ladite pierre se fendroit, et s’esclatteroit, pour la pesanteur de celles qui seroyent mises dessus. Toutes pier-

  1. Ou plutôt sins, sinus.