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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/130

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

vains et du public au point d’y plaire et de s’y plaire. Mais l’erreur d’Alfred de Vigny fut d’entreprendre une œuvre aristocratique, et d’y appliquer la technique d’Ivanhoe. De là vient sans doute ce que Cinq-Mars offre d’artificielle discordance. Mérimée, qui goûtait la science de l’histoire, ne s’y est pas mépris. Dans la Chronique du règne de Charles IX, il rompt avec l’école de Scott. Au reste, psychologue, réaliste, ironique et hautain, il ne renouvellera pas un essai, où la vérité et la fiction sont agréablement fondues, sans qu’on puisse décider, toutefois, si la thèse fausse le récit ou si le récit fait tort à l’histoire, ni lequel gâte davantage l’impression finale de cette œuvre raffinée. Ne se faisant illusion sur rien, il ne s’abuse point sur la portée du roman historique. « Si j’avais, dit-il, le talent d’écrire l’histoire, je ne ferais pas de contes. »

Dumas n’a donc assassiné personne, non pas même avec la plus joyeuse inconscience. Il a recueilli en ses robustes mains ce genre un peu frêle, et, guidé par son instinct, entraîné par l’exemple de Scott, il lui insuffla l’allégresse et la santé ; il le trempa dans ce puissant réservoir de vie, toujours trop plein et débordant, dont son imagination fut la source intarissable. Le roman historique était un beau rêve ; du roman de l’histoire il a fait une plaisante réalité à l’usage de la foule. Les passions et rudes émotions que Ducray-Duminil et Ducange avaient subodorées, il les mania et manipula largement. Génie populaire et tempérament de théâtre, il a pleinement mis en œuvre une conception qui hantait aussi l’esprit de Victor Hugo. « Supposons,