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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/167

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LE CONTEUR.

siècle. Il a trouvé le trésor, comme il aurait réussi à la Bourse. Il a l’orgueil fou de l’or. Aussi fut-il d’emblée populaire, étant à la fois féerique et réel. S’il s’attriste vers la fin, c’est qu’il souffre d’une pléthore de la personnalité. Ses débuts ont été difficiles, comme il sied. Le récit en est à coup sûr la part la plus touchante du roman : le personnage s’y montre simple et conforme à la nature. Avec son talent d’invention, Dumas nous le fait paraître jeune, alerte, courageux, bon fils, ayant élargi Dieu et son cœur devant les horizons infinis de l’Océan, victime de la jalousie et de l’ambition humaines. Les différentes phases que traverse son esprit dans la prison sont décrites d’un art où Dumas atteint rarement, où Silvio Pellico n’atteignit jamais. Il est vrai que l’auteur, de son propre aveu, avait glissé d’abord sur cette partie de son œuvre. Toutes ces émouvantes tribulations, quoiqu’elles paraissent à présent le meilleur de l’ouvrage, n’en étaient pas pour lui l’essentiel. Le véritable sujet est à Rome, et surtout à Paris. La grotte de Monte-Cristo n’est que le point de départ : coffre-fort fantasmagorique d’un spéculateur heureux. Les grands bourgeois de 1845, qui ont aussi trouvé le trésor, tirent vanité d’avoir vu Rome et d’être venus à Paris en sabots. Dantès y vient presque numéroté : j’entends qu’il sort de prison. Nos numerus sumus. On voit que Dumas lui fait la part belle, la part du roman romanesque, qui popularise cet aperçu de la morale sociale. À l’instant que Dantès prend en main la lampe d’Aladin, il est un héros de son époque, et ravit toutes les imaginations à sa suite. Posséder et jouir, juger et pou-