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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/185

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L’INFLUENCE D’ALEXANDRE DUMAS.

lugubre vocabulaire il atteint son modèle sans le dépasser. Mais s’il porte des toasts à la mort d’après Schiller, s’il est volontiers satanique d’après Byron (cette affectation-ci dura moins), il lance aussi des jurons historiques avec Scott, par-dessus le marché des bourreaux, haches, dents de fer, et autres convulsives beautés, à la manière de Ducray-Duminil ou de Pixerécourt. Au rebours, lorsqu’il chante la romance à Madame, il est tout conflit en douceur, ne songe qu’azur, fleurs, petits oiseaux, à la façon de Dupuis et Cotonet.

Mais populaire, — il écrit dans le libre jeu de son imagination et de ses muscles. Il est simple, il est gai, il est vivant. Il donne l’illusion de la vie réelle sans y tâcher, en dehors des procédés de littérature. Emphatique et enveloppé (mais non pas plus que Victor Hugo) dans l’expression des idées générales, il excelle à conter, c’est-à-dire à créer, soutenir, suspendre, répandre par le ton et la teneur du récit un courant d’intérêt qui entraîne le lecteur. Sa phrase est souple, claire, à peine articulée, avec quelques reprises sans cérémonie. Lorsque d’aventure elle s’allonge, « dis-je », ou « alors dis-je », et même « et puis ensuite » lui suffisent à raccorder le discours. Alors il n’a point de style, mais tant de bonhomie, de verve, et un tel don de vraisemblance que nul ne songe à se méfier. C’est le mouvement romantique, mais plus aisé, familier et insinuant, sans en avoir l’air. Le dialogue se mêle au conte, l’esprit au dialogue, et leur adroite complicité répand sur l’œuvre de fiction un sentiment de vérité intime, à la bonne franquette, et la joie de vivre et d’agir, à profusion.