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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/186

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

À l’opinion moutonnière, qui s’en va répétant que Dumas n’écrit point, je souscris volontiers, si l’on entend par là que son talent est une expansion naturelle, sans souci du mérite littéraire, mais non sans soin ni choix d’un langage clair et sain. « Observateur moins profond (que Balzac), écrivait Nisard, Alexandre Dumas conte avec plus de vivacité, dialogue avec plus de verve et de naturel, écrit dans une meilleure langue. »

Cette langue est justement celle du drame. Ramassée, disciplinée, concentrée par la logique du théâtre, elle fait merveille. Si l’esprit de ses comédies semble parfois un marivaudage un peu concerté, le style de ses drames est tout couleur, action et passion. Il n’est pas exact, je le répète, que les vers l’aient trahi : on en trouvera la preuve dans Charles VII, Caligula et l’Alchimiste. Mais le drame populaire voulait la prose ; et dans la prose dramatique Dumas, plus proche de la foule, a tout son jeu en main. Il excelle à créer la vie du théâtre. Il ne pignoche point, il brosse largement, avec un juste sens de la perspective. Il dépasse la couleur locale pour atteindre le pittoresque théâtral. Il y faut plus que du talent littéraire : c’est à savoir un œil et un tour de main singuliers. J. Janin, qui était un styliste, et Th. Gautier, qui fut un peintre, y échouèrent tous deux. Cette écriture est partout une force en acte. Le mouvement d’ensemble, plus condensé que dans le roman, se transforme en mouvements divers exactement appropriés à l’émotion de chaque scène. Il a le don du rythme scénique, comme d’autres possèdent celui du rythme lyrique. Son