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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/187

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L’INFLUENCE D’ALEXANDRE DUMAS.

instinct ne l’égare point. Une lecture d’Antony, faite sous ce point de vue, est pleine d’enseignements. C’est un progrès continu, gradué, varié, de propos, de théories, de péripéties et d’angoisses que le train du dialogue rend avec une précision inéluctable, jusqu’au dénoûment auquel on ne saurait se soustraire. Narrations, explications, déclamations, solidement ajustées et scéniquement précipitées, s’engagent dans le mouvement général. Même quand Antony déclame, il agit. Et il agit encore, quand il souffre. Ce style exprime la passion comme une énergie. Il ne se hasarde point dans les secrets replis du cœur humain. Il risquerait de s’égarer ou de s’alanguir dans l’analyse. Il éclate, comme une fièvre de désir et de volonté, qui se révèle premièrement par les symptômes extérieurs, les malaises de la chair, et finit par absorber corps et âme. La romance n’est que la préface ou l’amusement avant la crise. Mais le style s’échauffe avec le sang ; les sensations s’exaspèrent, auxquelles bientôt succède un paroxysme de tout l’être ; et puis, les tirades courtes et haletantes, les répliques de feu s’élancent et conquièrent l’amour, avec l’ardente sensibilité de l’animal humain, dans le feu de l’action et de la passion. L’esprit même y est la force avisée, qui prépare les assauts ou les consacre : le sourire de l’athlète qui ne manque point son coup. Et c’est la variété même du drame. Populaire et dramatique : voilà décidément les caractères essentiels de l’œuvre d’Alexandre Dumas.

Une fois envoyée dans le monde, qu’est-ce que cette œuvre y a fait ? — Beaucoup de chemin et