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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/23

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L’HOMME ET SON TEMPS.

Villers-Cotterets, sous l’œil d’une mère triste, mais courageuse et douce, en compagnie des forestiers (dont son cousin, M. Deviolaine, était l’inspecteur), en plein air, en pleine nature, dans la joie des muscles et de l’imagination. Cette structure colossale, que son père lui avait léguée, allait se développant sans contrainte. Des leçons d’énergie, il en recevait chaque jour de ces gardes frustes et vigoureux, frères du danger. La volonté se trempait dans l’effort, et l’habitude de l’effort y mettait l’allégresse. Désormais, cette volonté est opiniâtre ; nulle entreprise ne l’effraye, mais nulle ne la rebute. Il fait douze lieues à pied pour paraître dans un quadrille ; sans savoir le premier mot de l’histoire, il s’engagera dans la littérature historique. Toujours il en vient à ses fins. Et cette tête ardente, cette tête quarteronne et déjà crépue, se passionne, pendant les battues, pour les récits de ces hommes simples, qui content d’enthousiasme les prouesses du diable noir, sous le couvert des chênes noueux ou dans les grandes lignes des hautes futaies.

Ce qu’il y avait, à la vérité, de trop confiant ou audacieux en cette complexion, l’amour-propre effréné, l’extrême vanité, l’élan spontané de tous les caprices s’apaise dans l’atmosphère des soins féminins et de l’influence maternelle qui tempèrent sans raideur l’exubérance de ce petit Hercule. Cette mère attentive et résignée a imprimé sa marque en cet esprit. Dumas n’eut jamais la tendresse, sentiment d’abnégation aimante et durable. Mais il fut sensible, plus qu’on ne dit à l’ordinaire. Si sa vie est tissue de grandes passions sans lendemain, si son