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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/195

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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

réagir contre une erreur trop répandue, qui fait de Dumas, après 1840, un Pixérécourt énorme et copieux, un faiseur à la rencontre, faiseur de mélodrames et faiseur de romans, extrayant les uns comme une seconde mouture des autres. Il est dramatiste, plus que tout le reste. D’abord romantique effréné, c’est entendu ; mais cela par surcroît ou par mode. Ce qui prime tout en lui, c’est le sens du drame. Homme de théâtre par nature, il est l’homme du public. Qu’il ait fait aux affaires et à ses continuels embarras d’argent de fâcheuses concessions, et de son art métier et marchandise, et trop aisément, et trop souvent, d’accord. Mais le drame vit en lui : parmi toutes ses folies, c’est sa raison et sa raison d’être.

Or le public est devant lui, qu’il tâte, même après Henri III, même après Antony, même après la Tour de Nesle, et qui veut le drame et l’appelle de ses vœux unanimes mais confus. Dans les temps de révolution il est plus facile d’exalter ses goûts que de les définir. Le drame nouveau, qu’on acclame et qu’on aime d’abord, est sans doute celui qui peint les milieux, qui rapproche les époques et les distances, s’il est tiré de l’histoire, et qui dans les grands d’autrefois représente au vif l’homme d’aujourd’hui. Ç’a été l’originalité féconde d’Henri III de fixer ces aspirations. Mais le public de 1830, quoi qu’il en ait, est de race latine ; il porte en soi, malgré sa superbe toute neuve, des siècles d’humanisme et de tragédie innée. La Révolution s’est faite avec des citations de l’histoire romaine. Figaro lui-même, tout tribun et Espagnol qu’il affectât de paraître, en était entiché. J’ai fait voir les barrières brisées et la rupture avec le passé consommée dans Henri III. Il ne serait nullement impossible d’y relever la superstition contraire, l’admiration naïve des grandeurs de ce monde, l’ombre politique d’Auguste et l’âme