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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/224

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

traste des pigments de la peau, qu’elle prend pour des différences de caractères ; qui se réjouit de mettre la tache blanche du burnous arabe dans l’ensemble sévère de ce manoir féodal ; qui se grise des souvenirs de chasse et des rêves du désert ; elle, toujours elle, qui pousse ce (ils bronzé d’Asshan aux pieds de la femme pâle : Bérengère et Yaqoub, Yaqoub et Bérengère… Bérengère… Bérengère ! L’oreille même en est enivrée, comme de je ne sais quelle mélodie lointaine, étrangère… Cur non ?

À présent, cet Yaqoub, qui joue le rôle d’un Oreste, dont le teint est emprunté de l’Hassan de Fiesque et la philosophie matérialiste du Maugrabin de Scott, je me demande quel homme il est, et si son désert n’est pas aux Batignolles. Je sais qu’il manie lestement le poignard, qu’il ne craint point la mort, et qu’il aime — à en mourir. Mais la plupart des hommes sont ainsi faits que la vie n’est rien au prix de leur amour ; une fois libres de l’un, ils reprennent l’autre, retournent à leur désert, et ne meurent point. Il est un lion, souple en ses mouvements, prompt à l’attaque, et tranquille et pourléchant ses lèvres, l’ennemi une fois abattu. C’est le portrait d’un personnage propre à tenter l’œil d’un peintre ; un caractère tragique, aucunement. Il rugit ; ils rugissent tous : telle est leur manière d’exprimer leur passion.

Je n’abuserai pas contre Dumas, encore qu’il nous y convie, du parallèle entre le dénoûment de Charles VII et celui d’Andromaque.

Mais à quel point le rôle de Bérengère est au rebours d’un caractère tragique, il faut pourtant le faire paraître. Il y a juste un moment où la comtesse se trouve dans une belle situation, digne de Corneille : c’est la scène vi de l’acte IV. En une scène analogue, Pauline fut inoubliable. On sait quel art des transitions