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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/278

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

ont pris d’assaut une autre poterne et démoli la citadelle de la « tyrannie ». Ecoute, écoute et souviens-toi. En cette Tour maudite, femme et filles de rois prennent leurs ébats, « s’enivrent de vin, de caresses et de voluptés[1] ». Malheur ! malheur ! L’épernay ruisselle dans ces fêtes ; et sur les manants pleuvent comme grêle taxes, gabelles et impôts. En cette Tour ferme sur ses assises de pierre, qui semblent défier le temps et braver ton courroux, ô peuple, règne le plaisir, le bon plaisir féodal. Tu te souviens. L’idée et le symbole du drame sont bien pris à ta taille. Dans les murs, hors des murs de ce repaire s’engage la lutte entre le passé et l’avenir ; et ce sont encore tes destinées qui, sous d’autres noms et sous le couvert de la légende, se débattent une fois de plus. Le vice royal (royauté n’étant que vice et abus) est aux prises non pas avec la vertu de l’ancien théâtre, mais avec la volonté, l’intelligence, l’énergie et les hommes d’action du nouveau. Marguerite et Buridan poursuivent un combat inégal et acharné, l’une armée de tous les pouvoirs et de tous les prestiges, l’autre fort des seules ressources de son génie[2]. Peuple de 1830, postérité de Figaro, qu’on a tant grisée de grands mots, ne sens-tu pas d’abord combien ce dramaturge est ton homme, à quel point son talent et son sujet sont tiens, et comment, grâce à son zèle populaire, du texte de Brantôme naît dès le premier acte un drame qui est l’image de ta vie à travers les siècles, ou du moins celle que tu t’en fais en ta pensée.

  1. La Tour de Nesle, I, tabl. ii. sc. i, p. 15.
  2. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxxiv, p. 170. « Ce qui ressortit pour moi comme l’essence du drame, ce fut la lutte entre Buridan et Marguerite de Bourgogne, entre un aventurier et une reine, l’un armé de toutes les ressources de son génie, l’autre de toutes les puissances de son rang. »