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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/280

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

le traquenard de la Tour de Nesle[1]. Alors tu pourras retourner au logis, satisfait d’avoir parcouru toutes les étapes de ce monde, et passé, sans ennui, de la taverne à la Tour, de la Tour au Louvre, du Louvre à la prison. Ces contrastes philosophiques t’auront graduellement amené jusqu’au seuil du néant, où s’abîment ces grandes puissances que nous voyons d’en bas, que tu regardes désormais en face. Sens-tu avec assez de joie combien cet auteur, qui avait droit à la particule, est avec toi ?

Il est un maître ouvrier. Tout n’a pas la même valeur dans sa pièce ; mais, hormis Patrie de M. Victorien Sardou, je ne connais point de drame, dont la composition soit réglée avec une telle exactitude sur le sentiment de la foule. C’est une progression et une diversité, un engrenage de spectacles, de scènes, de situations, un savant mélange de la terreur, du rire, et parfois du comique terrible, comme au huitième tableau, pour aboutir à un dénoûment que Dumas a pu, sans forfanterie, comparer à celui d’Œdipe Roi et même à la force scénique de Shakespeare[2].

L’exposition est fameuse. L’action s’engage au pas de charge, épée au clair. Invisible et présente, la Tour de Nesle verse sur les personnages l’ombre et le mystère. Tous ces hommes agiles en sont comme envelopés. Alerte ! au meurtre ! au guet ! Buridan et son « secret qui le tuera ou fera sa fortune[3] » ; Philippe et le récit de sa rencontre avec une femme qui lui fixe un rendez-vous ; et (voyez le dramaturge) la scène, qui vient d’être racontée, maintenant exécutée sur le théâtre, la femme voilée, qui entre et touche Buridan à l’épaule, et le même langage, et le même anneau : mystère ! mystère ! Cette scène a été faite vingt fois ; elle est dans

  1. La Tour de Nesle, V, tabl. ix, sc. v, p. 98.
  2. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxxv, p. 182.
  3. La Tour de Nesle, I, tabl. i, sc. ii, p. 8.