Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

rera son insuffisance. Il l’exagérera même[1]. Car, sans méconnaître les bons vers qu’il a écrits, il a surtout gardé rancune au vers dramatique de la peine qu’il lui coûtait, et de l’échec relatif de Charles VII, qui ne fit point d’argent. Nous verrons si c’est vraiment la langue poétique qui a trahi le drame, comme on l’a trop répété d’après l’auteur.

Pendant que Dumas étudie chez l’abbé Grégoire, le hasard malicieux lui glisse entre les mains les Aventures du Chevalier de Faublas, dont l’immoralité ne le séduit point. (Notez le fait : ce n’est pas chez lui la fantaisie qui est immorale ; il a seulement plus de tempérament que de scrupules.) Mais ce livre lui plaît à cause que c’est « un roman plein d’invention, offrant des types variés, un peu exagérés sans doute, mais qui avaient leurs modèles dans la société de Louis XV[2] ». Sa tête s’échauffe ; il rêve d’être un nouveau Faublas ; il s’en reconnaît la complexion et la vocation. Et il échoue d’abord auprès d’une Mademoiselle Laurence[3], qu’il aime fougueusement, à en mourir, comme il les aimera toutes. À cette heure, il a quinze ans, et ne veut pas mourir encore.

En somme, les deux bons curés, qui ont nourri son enfance, l’ont peu dirigée. Deux autres hommes exercèrent plus d’influence sur sa tête paysanne. L’un, Adolphe de Leuven, lui apporte l’air de Paris et les échos du théâtre ; l’autre, Amédée de la Ponce, officier de hussards, qui vient de s’établir à Villers-Cotterets, lui inspire le goût du travail. Dumas apprend l’italien,

  1. Mes mémoires, t. V, ch. cxxi, p. 259. « … Je n’avais jamais entendu rien de pareil à ces vers de Marion de Lorme : j’étais écrasé sous la magnificence de ce style, moi à qui le style manquait surtout. »
  2. Mes Mémoires, t. II, ch. xlviii, p. 175.
  3. Ibid., pp. 176-189.