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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/35

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

qui l’inspira d’abord l’alimentera de sujets de pièces jusqu’à la fin, encore qu’il n’ait jamais su

 
le patois
Que le savetier Sachs mit en gloire autrefois[1].

Tel est l’état de son esprit, au moment où de Leuven fait à Cillers-Cotterets un voyage décisif pour l’avenir de Dumas. Adolphe traîne après lui un peu de l’atmosphère des coulisses. Il connaît Arnault, Scribe, Soulié, Talma, Mademoiselle Duchesnois, toutes ces dames. On imagine l’effet produit par ses propos incendiaires sur notre sauvageon. Adolphe a ses entrées dans les théâtres et dans les cabinets directoriaux. Il propose à son ami de faire en société un vaudeville en un acte, le Major de Strasbourg. Au sortir d’une éducation buissonnière, Dumas entrait de plain-pied dans le genre bouffon. « C’est tout bonnement à faire frémir[2] », dit J.-J. Weiss. Je n’en frémis point. La vérité est qu’en 1820, à la veille de partir pour Paris, au moment où il écrivait dans le Major de Strasbourg le couplet de facture :

… Tu vois, enfant, je ne me trompais pas,
Son cœur revole aux champs de l’Allemagne[3]

Dumas ne savait rien, de son propre aveu. Du moins n’avait-il presque rien lu qui pût contrarier ses dons naissants. Et dans les lectures qu’il avait faites, l’imagination avait trouvé sa substance. Qu’il ne fût pas bachelier, c’était une force. Je le dis sérieusement. Ses éducateurs de rencontre ne lui furent point nuisibles. Il n’avait pas ânonné les maîtres de la scène. Tout était neuf et verdissant en lui. Il manquait de goût ; il n’en aura jamais. Ses audaces ne seront ni théoriques ni

  1. A. de Musset, Nouvelles poésies. Dupont et Durand.
  2. J.-J. Weiss, le Théâtre et les Mœurs, p. 36.
  3. Mes Mémoires, t. II. Voir tout le chapitre lxi et notamment p. 312.