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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/358

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

doute pour produire vos études. Vous fréquentez la haute compagnie, où l’on vous reçoit déjà comme un homme rare et même singulier. Il vous faut autre chose. Il vous faut tout. Parce que vous n’avez pas de famille, vous vous croyez un grand génie. Il est visible que vous vivez à une époque de transition et de fiction. Travaillez, mettez au jour votre bagage de science et d’art ; soyez original autrement que par vos exclamations et la coupe de l’habit. Vous m’affirmez que vous êtes un prodige ; je vous crois sur parole : mais tâchez donc que la société vous juge tel sur des preuves. Qui prétend à l’indépendance, jeune homme, il fait sagement de l’acquérir. La Révolution, qui a proclamé les droits de l’individu, n’a pas oublié le droit au travail. Mais surtout elle n’a pas établi que tout citoyen qui professerait avoir du génie serait universellement salué et adoré aux frais des salons — et des maris. Et à ce propos, qui donc subvient à votre existence énigmatique ? Le monde, contre qui vous fulminez, se le demande ; et vous n’y songez guère. Au lieu de tourner une part de vos blasphèmes « contre cet homme chargé, je ne sais par qui, de vous jeter tous les ans de quoi vivre un an[1]… », et de vous précipiter à ses genoux pour connaître vos parents et savoir « ce que vous pouvez attendre et espérer d’eux[2] », n’espérez, n’attendez rien que de vous-même, et laissez, si vous pouvez, les femmes d’autrui en paix. C’était bien la peine de la faire, cette Révolution, d’où vous êtes issu, si, à peine libre, vous exaltez votre personnalité dans la déclamation et dans le vice. Figaro était un factotum ; vous êtes un déclassé, demi-savant, demi-aristocrate, un parvenu à mi-chemin.

  1. Antony, II, sc. v, p. 186.
  2. Ibid.