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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/359

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ANTONY.

Votre folie n’est donc, en son fond, qu’égoïsme et qu’orgueil. Vous êtes un individu à côté, même en amour : et cela flatte votre amour-propre. Orgueil, égoïsme, ce sera la marque de tous vos descendants, ambitieux, passionnés, adultères, « petits animaux folâtres[1] », et qui auront le culte de leur moi. Ils aimeront, eux aussi, les femmes mariées, parce qu’il y a un mari, et qu’ils les tiendront pour de grandes dames : ils les compromettront, comme vous, pour les avoir à leur discrétion. Ils s’élèveront, à votre exemple, contre les préjugés, parce qu’il est plus aisé de pérorer que de s’abstenir, et que la blague vous donne, à peu de frais, un air d’homme supérieur, surtout auprès des bonnes créatures qui ne demandent qu’à rire un peu. Ils riront, individualistes, effrontés, féroces, lutteurs, jusqu’à la convulsion dernière qu’ils auront rarement souhaitée. Il leur manquera d’ordinaire cette indéniable faculté, qui est la vôtre, de ressentir et d’exprimer la passion au paroxysme, et de s’abandonner à l’ivresse des mots : car les beaux temps de l’imagination seront passés. Ils seront moins fous peut-être ; et peut-être ne seront-ils pas moins inconscients, nés d’une liaison coupable et d’une révolte contre l’opinion du monde nouveau, dans le feu du premier drame social, Antony.

  1. Monologue de Figaro, déjà cité.