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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/424

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

de tout son poids. Après de farouches révoltes, où la princesse paraît, la fille va sombrer dans l’irrémédiable. La mère sauve en elle la femme : la voix du sang ; la préserve : Antony bouscule l’enfant d’Adèle. Dumas père n’a pas écrit de dernier acte plus émouvant.

Pour mettre en lumière ces influences balancées et obscures, l’auteur appelle à soi le paroxysme de la passion. Il ne triche point. Il met en tiers un « Antony millionnaire » et « ténébreux »[1], qui a, lui aussi, sa tare (une épaule plus basse que l’autre), et qui veut vigoureusement ce qu’il désire. Nourvady est un « personnage à part », un « homme bizarre »[2]. Il offre à Lionnette un hôtel somptueux et un million d’or vierge ; il possède le trésor de l’abbé Fariat. Lionnette rejette la clef, la petite clef d’or symbolique, du même geste que Catherine Howard lançait la clef du tombeau dans la Tamise. Au reste, le millionnaire paye les dettes de la princesse, malgré elle, selon le procédé usité dans Madame de Chamblay[3]. Je doute que Dumas fils ait pleinement réussi à objectiver sur la scène l’idée abstraite de l’atavisme ; mais il est aisé de voir, et lui-même l’a indiqué, l’origine des amours qu’il met en jeu. Le mari et l’amant aiment avec même fièvre : « Comme je t’aime ! dit Jean. Tu es ce qu’il y a de plus beau et de plus étrange au monde. Tu as sur moi un pouvoir surhumain. Je ne pense qu’à toi, je ne cherche que toi, je ne rêve qu’à toi… Quand je pense à l’avenir, j’ai le vertige[4]. » Il ne rêve pas de grève ni d’échafaud, mais c’est tout comme. Il est un peu fou, il l’a

  1. La Princesse de Bagdad (Th., VII), I, sc. ii, p. 19, et I, sc. iii, p. 39.
  2. La Princesse de Bagdad, I, sc. iii p. 32, et I, sc. iii, p. 22 et p. 25.
  3. Voir plus haut, p. 146, n. 2 ; et p. 384, n. 3.
  4. La Princesse de Bagdad, I, sc. ii p. 27.