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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/51

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

quin ». Schiller a commencé par écrire les dix scènes, où les conjurés arrivent au palais de Fiesque, y trouvent des sentinelles postées, entrent, délibèrent ; et le lion enfin rugit ; puis, arrivée du nègre qui a trahi la conjuration, désordre chez les conspirateurs. À la seconde partie de l’acte, nous passons dans la salle du concert ; Léonore, femme de Fiesque, est cachée derrière une tapisserie ; Julie tombe dans le guet-apens ; on sait le reste. Au surplus, Schiller était arrivé à une conclusion d’acte fort touchante. Après le départ de Julie, Léonore reste seule avec Fiesque, le dissuade de son ambition, lui fait luire aux yeux un bonheur plus intime et plus sûr… « Vivons tout entiers à l’amour dans une campagne romantique[1] ! » Soudain le canon tonne, qui est le signal des conjurés. Fiesque se reprend, s’échappe. « Léonore ! Sauvez-la ! Pour l’amour de Dieu, sauvez-la !… Elle ouvre les yeux… Maintenant venez les fermer à Doria[2] ! » Et cette fin était belle.

Dumas la sacrifie pour remettre l’acte d’aplomb et resserrer la crise. Après une scène de rupture entre Fiesque et le Maure, qu’il tire du troisième acte de Schiller (ce nègre va trahir les conjurés et on le ramènera garrotté tout à l’heure), il s’était engagé à la suite de son modèle. La scène ii était un monologue de Fiesque ; à la troisième paraissait Léonore avec les conjurés. Il donnait ses ordres ; et cela se terminait par ces mots :

Partez donc… Le mot d’ordre est Fiesque et Liberté !

C’est le vers qui terminera son acte. Il a donc raturé tout cela. Il s’est avisé que la confusion de Julie est un événement secondaire, que le meilleur de l’intérêt dramatique, au moment de la crise, doit être rapporté

  1. La Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xiv, p. 318.
  2. Ibid., IV, sc. xv, p. 319.