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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/53

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

L’esprit cornélien a inspiré cette scène ; il emporte en un beau mouvement la fin de cet acte IV. À présent, Fiesque a laissé pénétrer les conjurés. La péripétie, longtemps attendue, approche. Schiller avait disséminé en quatre endroits, et à des actes différents, le « sommeil du lion » et son brusque réveil (le tableau d’Appius, II, xvii, 265. — « Pensiez-vous que le lion dormait ? » II, xviii, 268, et III, v, 285 ; — la liste des condamnés à mort, III, v, 285, et IV, vi, 301). De ces motifs épars Dumas tire une situation, qu’il rejette à la fin de l’acte IV, selon la formule chère à l’auteur d’Horace et de Cinna. Et la scène est ramassée, graduée, complète et dramatique. Il est né dramatiste et français. Il est de la race de Corneille, encore qu’il y ait « des degrés », selon le mot d’un président facétieux[1].

FIESQUE.
Arrête !
Arrête et viens ici, toi qui dans tes tableaux

Affranchis les états à grands coups de pinceaux,
Esclave, qui n’as pu briser ta propre chaîne
Et frappes les tyrans sur une toile vaine !…
Je fais à ton talent la part qu’il mérita ;
Mais ce que tu peignis, Fiesque l’exécuta.

TOUS.

Que dis-tu ?

FIESQUE.
Vous pensez que le lion sommeille
Parce que sans rugir sa prudence qui veille

Attend l’heureux moment où bravant son courroux
Son ennemi viendra se livrer à ses coups ?
Avez-vous cru que seuls sensibles à l’injure
Vos bras des fers honteux sentaient la meurtrissure ?

  1. Dumas avait un procès à Rouen. Après l’avoir interrogé sur ses nom et prénoms : « Votre profession ? » lui demande le président. — « Je dirais : auteur dramatique, si je n’étais dans la patrie de Corneille. » — « Il y a des degrés », repartit le président.