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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/57

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

les invités, les conjurés, et tout le monde enfin[1]. Il n’a voulu montrer cette femme ni prosternée, ni humiliée en public, ni frissonnante, le corps en feu, les sens embrasés. Il a traduit autant qu’il a osé ; davantage il ne pouvait. Il n’est homme à n’avoir peur ni du mot ni de la chose ; et tout de même, sans se voiler la face, il se réfugie dans ses souvenirs de Phèdre. Il appelle à lui Racine pour exprimer Schiller.

 
 
Ce langage du cœur tu ne veux pas l’entendre.
JULIE, troublée.

Je ne l’entends que trop.

FIESQUE avec passion.
Pourquoi le repousser ?
JULIE se reculant avec effroi.

Dans tes replis de feu tu veux donc m’enlacer ?
Fiesque, sois généreux, ma faiblesse t’implore ;

Quand mon cœur l’appartient, que te faut-il encore ;
 
Mais c’était par toi seul que je devais connaître

Ce feu que j’ignorais même en le faisant naître,
Et qui, dans ce moment, de mes efforts vainqueur,
Comme un souffle brûlant s’échappe de mon cœur.
Oui, dût sur moi mon sexe attacher l’anathème,

Je ne me cache plus, oui, Fiesque, oui, je t’aime…
 
Insensé ! Qu’as-tu dit ? Es-tu donc en délire ?

Dans le fond de mon cœur quand je te laisse lire,
Quand forçant mes aveux une coupable ardeur
Enfreint toutes les lois de la sainte pudeur[2]...

  1. Il confond Julie devant Léonore, qui le trouve encore trop cruel. Voir manuscrit inédit, IV, sc. xi :
    Elle est bien malheuMon ami, trop de rigueur l’accable ;
    Elle est bien malheureuse !
  2. Manuscrit inédit, IV, sc. xi. Cf. la Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xii, pp. 310-311. On trouvera la même scène filée (avec quelle dextérité !) par A. Dumas fils, dans l’Ami des