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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/162

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L’ÉTAPE

passionnée, son origine protestante. Cet exode des siens à la révocation de l’Édit de Nantes, leur vie à l’étranger, leur constante nostalgie de la France, leur retour, il redit ces épisodes de sa tradition familiale avec un luxe de détails et une précision qui prouvaient à quel degré, même en devenant le matérialiste complet qu’il se piquait d’être, il était resté de sa religion par ses fibres profondes, et il conclut, trouvant le moyen d’empreindre dans une phrase où il faisait profession de tolérance, toute sa haine contre les ennemis de ses ancêtres :

— « Je suis, comme vous le voyez, camarades, particulièrement bien placé pour savoir ce qui nous attendrait, si la secte dont se relève M. Chanut reprenait le pouvoir… Mais, précisément, pour garder le droit de flétrir les procédés d’intolérance dont les miens ont été les victimes, je traite mon ennemi d’après mes principes et non d’après les siens, et, dans l’espèce, je vote pour que la conférence demandée ait lieu chez nous. »

— « Camarade Rumesnil, » dit Riouffol de sa même voix dure, « ne pourrait-on pas avoir ici à demeure le Dictionnaire de Larousse ? Je voudrais consulter les lettres P… et S… » Et, comme tous le regardaient avec étonnement : « C’est pour lire au camarade Bobetière les deux articles Presbytériens et Servet… Qu’il vote pour Chanut, c’est son droit, mais qu’il ne nous parle pas de la tolérance des ministres et des pasteurs !… »

— « Je ne nie pas qu’il y ait eu des excès de la