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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/173

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L’UNION TOLSTOÏ

lentes, contre des raisonnements qui lui semblaient faux et dangereux, sans qu’il put argumenter contre à forces égales. Et il avait beau se révolter, le prestige de certains mots était si puissant sur lui que la seule mention du nom d’un Claude Bernard, par exemple, ou d’un Pasteur l’hypnotisait d’admiration même dans cette révolte. Cet ensemble d’impressions contradictoires lui rendait souvent l’atmosphère du comité de l’Union Tolstoï matériellement irrespirable. Il se levait alors et s’en allait, sans serrer la main à personne, ce qui ne l’empêchait pas de revenir le lendemain rue du Faubourg-Saint-Jacques passer sa soirée dans « son groupe » et coudoyer ces jeunes gens plus instruits que lui, qui exerçaient sur son âme passionnée un irrésistible attrait, mêlé d’une non moins irrésistible aversion. Les instants où il leur tenait tête étaient ceux où le pauvre colleur de Bradels, comme l’avait appelé Antoine Monneron, vivait le plus ardemment. Jamais, depuis la fondation de la Toistoï, il n’avait paru aussi excité qu’au moment où, Rumesnil lui ayant donné la parole, il se tourna vers Crémieu-Dax pour lui dire :

— « Autant que j’ai pu te comprendre, Crémieu-Dax, pour employer la cordiale formule de Monneron, tu prétends qu’il y aura place dans la société future pour le catholicisme ? Je ne suis pas un agrégé, moi, je suis un simple. Je croyais que la Cité future serait fondée sur la Raison et la Science. Cela me trouble… »

— « Je n’ai jamais dit qu’il y aurait des catho-