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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/174

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L’ÉTAPE

liques dans la Cité future, » repartit Crémieu-Dax. Il s’efforçait, quand il soutenait une discussion contre quelqu’un des ouvriers qui fréquentaient l’Union, et en particulier l’irritable Riouffol, de répondre avec la douceur explicative d’un frère aîné qui instruit son cadet, « J’ai dit, » insista-t-il, « que, dans la Cité de Justice, toutes les opinions seraient libres, et pas autre chose… »

— « Elles seront libres, mais il n’y aura pas de catholiques, » reprit Riouffol, « c’est tout ce que je voulais demander. Donc, si nous voulons vivre cette Cité de Justice, et réaliser dès aujourd’hui la démocratie, pas de calotins chez nous, je le répète… Ma phrase te choque, Monneron ? (Jean n’avait pu, en effet, retenir un geste d’impatience en entendant de nouveau la grossière formule.) Le mot n’est pas beau, c’est vrai, — calotins, calotins, — mais il est peuple, et moi aussi. On ne l’emploie pas dans vos Sorbonnes et dans vos Collèges de France, mais ce sont tout de même ceux qui l’emploient qui vous permettent de les avoir, ces Sorbonnes et ces Collèges de France, ces bibliothèques et ces laboratoires. Et le jour où ils voudront… Ah ! Malheur !… »

Il s’arrêta, en fermant son poing d’un geste terrible chez lui, cet ignorant idolâtre de la science. Les trois jeunes gens de vraie culture qui se trouvaient là, Jean, Crémieu-Dax et Bobetière, — car Rumesnil et Pons n’étaient que des fantaisistes d’intellectualité, — purent sentir passer sur leurs têtes, dans cette petite salle, le