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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/177

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L’UNION TOLSTOÏ

éloigné de Rumesnil. — Considérait-il, en sa qualité de philosophe, que la moralité de chaque homme se mesure à ce que lui permet ou lui défend sa conscience et ne s’accordait-il pas le droit de condamner ce père qui, ayant adopté les principes de la société actuelle, s’y conformait avec correction en jouant à la Bourse, d’après les règles du jeu ? Ou bien, résolu à mettre ses futurs millions au service de la Cause, s’absolvait-il d’avance d’une richesse dont il ferait un si puissant outil de propagande ? Quel que fût son motif pour accepter de vivre dans l’hôtel de l’avenue Hoche et dans son décor de luxe, il y vivait, et il n’avait jamais laissé deviner à ses plus intimes, pas même à Jean, avec quels sentiments. Il ne les laissa pas deviner davantage sous le coup de l’insolente attaque où Riouffol avait soulagé une animosité envenimée depuis des jours, et portée à son comble, dans cette discussion, par le fanatisme antireligieux. Cette scène muette ne dura d’ailleurs que l’éclair d’un instant, car Rumesnil prit aussitôt la parole, pour fermer un débat dont la menaçante tournure inquiétait sa prudence :

— « Vous avez tous émis et justifié votre avis, mes camarades, » commença-t-il. « Je vous dois de justifier, à mon tour, le mien, d’autant plus qu’il n’est pas resté ce qu’il était lors de notre premier débat. Les raisons données par Monneron et Crémieu-Dax me paraissent, à moi, je l’avoue, irréfutables. La nécessité de faire honneur à notre signature, d’une part, et, de l’autre,