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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/212

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L’ÉTAPE

Ce nom de Montboron, qui figure sur ces chèques, c’est celui que tu prends dans le monde ignoble où tu vis. Cette femme, dont tu m’as montré le portrait, elle s’appelle Angèle d’Azay. Ah ! un représentant de la noble famille des Montboron ne peut pas vivre comme un pleutre ! Il lui faut de l’argent pour tenir ce personnage, de l’argent pour ses nippes, de l’argent pour sa gueuse, et tu n’as rien trouvé de mieux que de fabriquer des faux et de voler. Je t’aurais confondu d’un mot, si j’avais voulu. Je n’ai pas parlé, à cause du père, et parce que j’ai vu sa souffrance ; mais je veux t’avoir dit que, moi Jean, ton frère, je ne suis pas ta dupe. Ah ! malheureux ! Malheureux !… »

— « Eh bien ! oui, c’est moi qui ai fabriqué les trois chèques, » répondit Antoine, en opposant à la violente sortie de son cadet ce calme outrageant qu’il avait toujours eu l’art de prendre, chaque fois que Jean s’était permis une critique de ses façons d’être, depuis ces dernières années. Il jugeait inutile de nier en effet, du moment que l’autre connaissait son nom de guerre et celui de sa maîtresse. — Mais comment ? — Il répéta : « Oui, c’est moi. Et après ? J’ai déjà rendu l’argent des deux premiers. Demain je rendrai l’argent du troisième. Puisque tu as la jolie habitude d’espionner, tu pourras te renseigner auprès de tes mouchards. À qui aurai-je fait l’ombre d’un tort, je te le demande ? J’ai eu l’occasion d’entreprendre trois petites opérations de Bourse, absolu-