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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/258

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L’ÉTAPE

n’est pas vrai ! Il a peut-être joué à la Bourse, je l’ignore, mais ce dont je suis certaine, entends-tu, absolument certaine, c’est que la restitution dont tu parles, il ne peut pas la faire… Les cinq mille francs qu’il a détournés, il ne les a pas… »

— « Il ne les a pas ? » répéta Jean. « Ce n’est pas possible !… »

— « C’est tellement possible, » reprit la jeune fille, « que cette nuit, après t’avoir quitté, il est venu chez moi, me supplier de… » Elle s’arrêta. Elle ne pouvait pas, même pour décider Jean, lui nommer Rumesnil.

— « Te supplier, de quoi ? » interroga le jeune homme. « Achève…»

— « De l’aider à trouver cet argent… » répondit-elle. « Ne me demande pas comment. Il était fou. Il ne faisait que me répéter : la prison, les assises, le bagne !… En ce moment, il est en train de battre Paris pour les chercher, ces cinq mille francs. J’apprendrais qu’il a tué pour se les procurer, je n’en serais pas étonnée. Il est acculé à une impasse. Il est capable de tout pour essayer d’en sortir. Mais rappelle-toi les crimes dont nous lisons le récit tous les jours. C’est comme cela qu’ils ont commencé. Il en est au crime, je te le jure, Jean. Crois-moi, mon frère. Ah ! si tu ne me crois pas, tu t’en repentiras peut-être toute ta vie… »

— « Je te crois, » dit Jean, gagné par le trouble dont il voyait sa sœur possédée. « Mais, » ajouta-t-il avec désespoir, « pourquoi ne