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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/299

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UN CŒUR DE JEUNE FILLE

fermes presque analogues, il en était demeuré décontenancé. Il n’avait ni voulu ni pu laisser parler davantage le frère indigne. Dans cet entretien avec Julie, il en était arrivé à ce degré d’irritation qui sent à peine les pires blessures. Et il insista, préférant tout aux équivoques où l’étrange et obscure fille continuait de s’envelopper : « Explique-toi ? Que veux-tu dire ?… »

— « Ce que je dis, » répondit-elle, « et, tu m’as compris parfaitement… Mais finissons-en. Rien que le ton dont tu me parles prouve que tu trouverais fort mauvais que je m’occupe de tes affaires. Ne t’occupe donc pas des miennes… Je ne suis pas une petite fille élevée dans un couvent. Ce ne serait vraiment pas la peine d’avoir reçu l’instruction que j’ai reçue, si, à vingt et un ans, je n’avais pas mes idées sur la vie. Je les ai, et la première de toutes, c’est que je n’ai à compter que sur moi pour me faire l’avenir qui me convient… Et je me le ferai… Oui, sur qui d’autre compterais-je ? » continua-t-elle en pensant tout haut, et parlant pour elle-même, plus encore que pour son frère : « Ce n’est pas sur un secours d’en haut, j’imagine. Dieu ne se donnera pas la peine d’exister pour s’occuper du bonheur de Julie Monneron, n’est-ce pas ?… Ce n’est pas sur mon père. Sa seule conception, c’est de m’établir pionne quelque part… Ce n’est pas sur maman. Tu le sais trop bien toi-même. » Elle souligna avec ironie ces termes qui étaient précisément ceux dont Jean s’était servi. « Nous ne nommerons pas les deux autres… Ce n’est pas