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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/325

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UN CŒUR DE JEUNE FILLE (suite)

ébauchée sous les auspices de ce Juvénal de concours, où le jeune Gaspard s’interloquait à la seule idée de « grand-papa Granier militariste », où Jean hésitait encore sur la ligne à suivre, Julie avait déjà commencé d’exécuter son projet… Dans le salon du château près de Malesherbes, où Rumesnil, lui, était en train d’étonner deux duchesses authentiques par l’étalage de ses audaces et de ses générosités révolutionnaires, un domestique entrait, portant à l’adresse du gentilhomme humanitaire une dépêche ainsi rédigée : Nouvelles extrêmement graves à vous communiquer. Vous demande ne voir personne avant moi. Attendrai mardi 3 heures où savez. d’Estrées.

Cette énigmatique signature était très claire pour celui vers qui allait cet appel de la malheureuse fille. Dieu ! Si elle l’avait vu recevoir ce télégramme, l’ouvrir en demandant la permission aux deux jeunes femmes entre lesquelles il paradait, froisser le papier d’une main impatientée, et le glisser dans sa poche avec un froncement imperceptible de ses sourcils, puis reprendre la conversation sur son même ton de paradoxe froid, sans que son cœur eût été secoué d’un battement plus vif sous la batiste de sa chemise de soirée, toute souple, avec un jabot savamment plissé, — élégance un peu prétentieuse, mais qui seyait à sa jolie physionomie de pastel du dix-neuvième siècle ! — Les deux amants avaient leurs rendez-vous dans une des maisons de la rue qui porte ce