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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/339

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UN CŒUR DE JEUNE FILLE (suite)

Julie, à cette seconde, une espèce d’attrait morbide qui enfiévrait ses sens ? Méditant déjà de l’amener à une action contre laquelle il pressentait sa révolte, tenait-il à se prouver son pouvoir absolu sur cette volonté dominée ? Cette légèreté encore et sa jeunesse ne furent-elles pas plutôt les causes de ce nouveau caprice ?… Toujours est-il que ce mensonger discours, sur les difficultés que ses devoirs de famille opposaient à un mariage auquel il n’avait jamais songé sérieusement, s’acheva par des caresses dont l’ardeur, une fois de plus, troubla la raison de Julie. Il voulut l’entraîner dans la chambre attenante au petit salon. Elle l’avait déjà suivi jusqu’à la porte, à demi affolée, quand soudain elle s’échappa de ses bras et le repoussa. Elle s’appuyait au mur, la main sur sa poitrine, comme si une douleur la déchirait. L’idée de sa maternité commençante s’emparait d’elle et lui donnait un frisson d’horreur devant ce délire physique, comme devant une prostitution. Elle lui dit, en montrant son cœur :

— « Je viens d’avoir trop mal… Laisse-moi… J’ai été trop brisée aujourd’hui… Il faut que je rentre ! … » Elle avait le visage si altéré que Rumesnil la crut en effet souffrante.

— « Veux-tu que je t’accompagne ? » interrogea-t-il.

— « Non, » dit-elle. « Nous n’aurions qu’à rencontrer Jean !… J’ai besoin d’être seule pour me reprendre, » ajouta-t-elle, portant cette fois la main à sa tête. Puis, quand elle fut prête à sortir et sur