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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/389

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ET NE NOS INDUCAS

me méprises pas ?… Ah ! ne te reproche rien, mon Jean, ne dis pas que tu aurais pu être meilleur pour moi ! C’est moi qui n’ai pas su me montrer, moi qui ai été une orgueilleuse, moi qui ai cru que je pourrais être plus forte que la vie !… Mais, si tu es avec moi, j’aurai de la force. Je quitterai Paris… J’irai à l’étranger, le temps qu’il faudra. J’aurai mon enfant là-bas. Il sera ma force, mon rachat, ma raison de vivre. Je travaillerai pour lui… J’accepterai tout… »

— « Ah ! brave cœur !… » dit le jeune homme. Puis, se détachant d’elle, il demeura quelques instants sans parler, tout en allant et venant dans la chambre, et s’arrêtant devant elle : « Mais non, les choses ne se passeront pas ainsi ! C’est trop injuste. Je ne le permettrai pas. »

— « Que veux-tu dire ? » interrogea-t-elle, toute tremblante.

— « Que je ne serai pas seul à te soutenir, quoi qu’il arrive, que tu ne t’en iras pas d’ici comme une coupable, qu’il y aura quelqu’un encore pour prendre sa part de ta faute. »

— « Et qui donc ? » interrogea-t-elle.

— « Notre père. »

— « Notre père ?… » s’écria-t-elle. « Jamais ! Non. Pas cette épreuve, Jean, je t’en supplie. Si ce n’est pas pour moi, que ce soit pour lui ! … Ne lui fais pas cela !… »

— « Il est trop tard… » répondit le fils avec cet accent de fermeté qui, ce même matin, avait tant surpris Julie, « nous n’avons plus le droit de lui