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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/390

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L’ÉTAPE

cacher un pareil secret, même pour l’épargner. Il est le chef de la famille. Il doit savoir… J’en ai assez, » continua-t-il en secouant la tête, « de toujours me taire, de toujours mentir. Rien ne serait arrivé si j’avais eu le courage de lui parler avec vérité. Cette fois, je lui parlerai, à moins que tu ne préfères lui parler toi-même… »

— « Moi ? » gémit-elle, « moi ?…  » Et elle mit ses deux mains contre son visage, comme si l’impression de sa honte, à la seule idée d’un pareil aveu, était trop forte… « Non, c’est impossible !… »

— « Hé bien ! » reprit Jean. Il avait, pendant cette exclamation de sa sœur, pris son pardessus et son chapeau, comme un homme qui se prépare à sortir. « Ce sera donc moi qui lui dirai tout. Réfléchis. Vois le bien que tu t’es fait à toi-même et que tu m’as fait, là, maintenant, en étant vraie avec moi… Pense à l’abîme de nouvelles tromperies ou tu t’engagerais, et pour combien d’années, en te taisant… Je ne t’y suivrai pas… Il y a pourtant quelqu’un qui peut nous épargner cette confession et à notre père cette douleur. »

— « Lui ? » demanda-t-elle plus épouvantée encore, « tu veux… »

— « Aller chez Rumesnil, » répondit-il, en prononçant le nom qu’il avait lu distinctement sur ses lèvres, et dont elle avait eu peur. « Oui, j’y vais, et de ce pas… Il dépend encore de lui de tout réparer. C’est mon devoir de frère d’exiger cette réparation, et je l’exigerai… Adieu, » con-