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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/391

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ET NE NOS INDUCAS

tinua-t-il en embrassant sa sœur. « Ce n’est pas toi seule que tu as sauvée en sortant du mensonge. Tu m’en as tiré avec toi. Je n’y rentrerai pas, je te le jure, et je ne t’y laisserai pas rentrer… »

Il quitta la chambre sans que Julie trouvât une parole à lui répondre. L’excitation nerveuse qui lui avait, dans une minute de frénésie, fait crier sa faute pour pouvoir crier aussi sa souffrance et sa colère, était tombée entièrement, et elle demeurait consternée devant les conséquences immédiates et inévitables de son aveu. Le ton de Jean et l’expression de sa physionomie ne lui permettaient pas d’en douter : leur père allait savoir sa honte !… Et l’autre ?… L’épouvante grandissait, grandissait dans la jeune fille, à la pensée que, maintenant, le vengeur était en route et que la rencontre aurait lieu, ou à cette heure ou plus tard. Mais elle aurait lieu… Et si Rumesnil était insolent avec Jean ? S’il interprétait cette confession à ce frère et la démarche de celui-ci comme une tentative de chantage machinée par elle ? S’il le disait ? S’il y avait entre les deux jeunes gens une altercation, des voies de fait, un duel ?… Si l’un d’eux était tué ?… Cette image fut si précise que Julie jeta un cri dont le sursaut la réveilla elle-même de cette espèce d’hypnose. « Je deviens folle ! » se dit-elle. « En tout cas, la rencontre n’aura pas lieu ce matin. Adhémar a écrit qu’il ne déjeunait pas rue de Varenne… Mon Dieu !