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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/413

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LA CATASTROPHE

prêtre avait appelé, dans son langage évangélique : la recherche du royaume de Dieu. Lui-même, en parlant du service des âmes, il avait pris son rang, dans le déplorable milieu où il aventurait sa soutane. Tous les trois sortirent du restaurant en silence. Jean avait déjà oublié cette discussion, qu’il s’était étonné lui-même de soutenir, à la minute où il l’engageait. Tout entier repris par l’idée qu’il allait peut-être rencontrer enfin Rumesnil, la fièvre le brûlait. L’abbé Chanut, dont le visage consumé ne mentait pas, et qui avait ce tempérament du missionnaire, si voisin par certains côtés de celui de l’homme d’action, méditait le discours qu’il prononcerait dans un quart d’heure devant un public aussi hostile à sa foi que s’il eût été composé de Chinois et de Japonais. Quant à Crémieu-Dax, l’ami, en lui, était trop tourmenté, pour qu’il n’essayât pas de se rapprocher de Jean. Il saisit le moment où ils allaient monter quelques marches qui accédaient au trottoir devant l’Union même. Dans ces vieilles rues de l’ancien Paris, il reste de ces irrégularités pittoresques où se dessine la forme du terrain primitif. Le prêtre arrivait déjà en haut de ce petit escalier que les deux autres étaient encore au bas, à échanger ces quelques répliques :

— « Tu as quelque chose, Jean ?… » avait dit Crémieu-Dax. « Que se passe-t-il ? Je ne t’ai pas vu depuis ces derniers jours, et je te retrouve si étrange… »

— « Il se passe que j’en ai assez du mensonge