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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/470

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L’ÉTAPE

Si je n’ai pas vu ces dangers dont tu parles, c’est que je n’ai pas conçu que mes enfants fussent capables d’une pareille bassesse, c’est vrai… Qu’est-ce que cela prouve, sinon que leur forfait est abominable ? Et quant à ces théories nouvelles sur les gens déplantés, déracinés, déclassés, elles ne signifient rien, absolument rien. Un être humain est une raison, une conscience et une volonté. La raison dit à tous également quel est leur devoir, la conscience les avertit tous également s’ils le font ou s’ils ne le font pas, la volonté sert également à le faire ou à ne pas le faire. Le reste, ce sont des mots, inventés par des philosophes de décadence, pour obscurcir ce qui est très simple. C’est bon pour des casuistes et des jésuites, ces idées-là. Tu cherches des excuses à ton frère et à ta sœur, parce que tu es bon. Ils n’en ont aucune, et je ne leur en accorde aucune, aucune, aucune !… »

— « Il ne s’agit ni de l’Université, ni de la République, mon père, » reprit Jean, « ni des Jésuites… Il s’agit d’une grande loi sociale, qui serait vraie quand nous serions en 1860, sous l’Empire, au lieu d’être en 1900, et quand tu serais ingénieur des ponts et chaussées, ou receveur de l’enregistrement, au lieu d’être professeur, et la Compagnie de Jésus n’aurait jamais existé que cette loi ne serait pas moins vraie : on ne change pas de milieu et de classe sans que des troubles profonds se manifestent dans tout l’être, et nous avons changé de milieu et de classe, c’est un fait, puisque le grand-père Monneron