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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/485

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BRIGITTE FERRAND

constances, au milieu, aux erreurs de l’éducation… Mais ces circonstances, c’étaient celles mêmes où Joseph Monneron avait fondé sa famille, ce milieu, c’était l’atmosphère des croyances où il respirait, cette éducation, c’était la mise en œuvre des postulats sur lesquels toute sa foi reposait… Si modéré que Jean eût été dans l’expression de sa pensée, il en avait trop dit pour que le professeur athée et révolutionnaire n’eût pas démêlé nettement dans l’esprit du jeune homme une condamnation, non pas de son caractère, mais de ses plus intimes certitudes. La seule atténuation des hontes de son fils et de sa fille était dans l’erreur des doctrines où il avait toujours voulu voir la révélation d’une humanité nouvelle… Tout de suite, à peine Jean sorti de la chambre, ce dilemme s’était imposé à l’esprit du père ; et tout de suite aussi, il s’était rebellé contre des hypothèses au fond desquelles il discernait vaguement cette affirmation qu’il avait manqué sa vie, non seulement pour lui-même, mais pour les siens, qu’il n’avait pas créé une famille, et plus au fond encore, qu’ayant toujours agi dans les données de la France moderne, cette France s’était trompée en lui. Déjà il s’acharnait à se démontrer qu’il n’y avait pas une nécessité de conséquence entre les faux et les vols commis par son fils aîné, ou la déchéance de sa fille, d’une part, et, d’autre part, les théories d’après lesquelles il les avait élevés :

— « Ah ! » se disait-il, « que ce sont bien là les idées de ce Ferrand ! Je les ai reconnues. Il les a