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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/504

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L’ÉTAPE

rappelant, il la savait pourtant, ma pauvreté, lui fera sentir qu’il ne devait pas avancer une somme pareille à un jeune homme sans capital… Oui, j’irai, et tout de suite. »

Dans le tumulte de cette méditation passablement incohérente, comme on voit, le promeneur avait soudain exécuté cette volte-face qui, en un quart d’heure, le conduisit à la porte du père de Brigitte. Qu’il se rappelât l’adresse précise de Victor Ferrand, alors que les deux professeurs échangeaient simplement une carte au jour de l’an, c’était une preuve de plus de l’attention qu’il prêtait, presque malgré lui, aux moindres gestes de son ancien camarade d’École Normale. L’aspect de la vieille demeure parlementaire, dont son fils avait toujours tant aimé la sévérité surannée, acheva d’irriter Joseph Monneron. Quel était le sens exact de la démarche qu’il accomplissait en ce moment ? Lui-même n’aurait pas su le dire. Cette incertitude se résolvait dans un état d’hostilité presque violente contre l’hôte de ce silencieux logis, en même temps que le besoin d’avoir avec lui une explication décisive au sujet de Jean grandissait à chaque marche gravie du monumental escalier de pierre. L’idée que son fils les avait montés et descendus, ces degrés, d’innombrables fois, à son insu, — avec quels sentiments ? — l’agitait d’une fièvre. Il ne s’était pas arrêté à la loge du portier, de peur de se heurter à une consigne. Quand le domestique qui vint à son coup de sonnette lui eut répondu que M. Fer-