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Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 2.djvu/247

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des lumières, de la musique et des rires, elle se met dans un coin de son appartement à regarder par la fenêtre le Rio sombre ou les quais déserts. Elle suit des yeux ces pauvres pêcheurs qui se promènent comme des ombres sur la Riva des Esclavons, trop fiers pour demander l’aumône et accablés par la misère. Elle voudrait leur jeter ses diamants, mais elle songe que ses colliers ne lui appartiennent plus, et que les folies de fille capricieuse ne conviennent plus à une femme mariée ; alors elle prend sa tête dans ses mains, et chante d’une voix lamentable quelque vieille chanson de barcarol.

Une seule chose la réveille encore de son assoupissement ; c’est la Régate. Quand nos gondoles minces fendent l’eau de la Giudecca comme des poissons, se poursuivant et se dépassant les unes les autres ; quand le Nicolotto jette des regards furieux au Castellano qui veut l’atteindre et le serre de près ; quand les fanfares célèbrent la victoire, et que les mariniers portent le vainqueur sur leurs épaules, alors