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Page:Perey - Histoire d'une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne, 1888.djvu/377

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LA PRINCESSE CH. DE LIGNE.

Les grands seigneurs polonais, qui vivaient habituellement dans leurs terres, avaient conservé des mœurs et des habitudes d’une magnificence sauvage. Ils possédaient presque tous des palais à Varsovie, mais ils ne les habitaient que pendant la durée des Diètes, c’est-à-dire six semaines ou tous les deux ans ; ces vastes demeures offraient le mélange le plus singulier de luxe et de misère. On traversait des salles démeublées où les plafonds et les tentures moisis par l’humidité tombaient en lambeaux, et l’on arrivait à des salons peints à fresque et à voûtes d’or et d’azur. Les antichambres étaient encombrés de valets, en livrées déguenillées, et de gentilshommes pauvres, attachés aux grands seigneurs, en qualité de domestiques, mais portant fièrement l’ancien costume polonais. Si l’on ne donnait pas à Varsovie comme dans les palatinats des festins gigantesques, suivis de toasts portés au bruit du canon, on ne renonçait pas cependant aux anciennes coutumes et l’on voyait quelquefois encore le maître du logis faire circuler à la ronde le mignon soulier de la dame de ses pensées, plein de champagne ou de tokay.

« Il régnait à la cour de Pologne le meilleur ton de celle de France, joint à une tournure orien-