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LES ÉGAREMENTS


opinion établie et autorisée par le temps, croit-il m’en démontrer la vérité en me représentant, avec la Bruyère, combien il serait affligeant de pouvoir la révoquer en doute : qu’avec raison on remarque que de toutes les opinions des hommes il n’y en a presque point qui ne chatouillent leur vanité ?

Nos assemblées se trouvèrent pour quelque temps interrompues ; M. Démery fit un voyage d’un mois, pendant lequel j’eus bien à me féliciter de mon bonheur. Après les adieux ordinaires et les instances réitérées de précipiter son retour, nous nous quittâmes. Je sortis rarement depuis : on vint me voir, on chercha à me désennuyer par les nouvelles du jour, les querelles, les tracasseries, enfin toutes les misères qui occupent les gens désœuvrés. M. Demelville, qui me connaissait assez peureuse, ayant beaucoup plaisanté sur mon veuvage, s’avisa de me faire un conte à sa fantaisie, c’est-à-dire fort mauvais, dans lequel il fit intervenir un sylphe familier, qui, depuis longtemps, faisait la cour à une dame de sa connaissance : il me la nomma, attesta la chose, l’appuya de circonstances, ajouta qu’en amant discret il n’entrait jamais que la nuit et par la cheminée, que c’était un fait. Nous rîmes beaucoup du commerce d’une mortelle avec un aérien. J’évaluai M. le