Aller au contenu

Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LES ÉGAREMENTS


fallait s’y conformer ; que le vrai but de la sagesse était de nous éloigner des deux extrémités ; que les agréments de la jeunesse et de la beauté, qui n’avaient qu’un temps, ne nous avaient sans doute été donnés que pour être employés ; qu’on devait à ce sujet moins consulter les plaisirs que l’intérêt ; que c’était infailliblement se perdre que de sacrifier l’essentiel à la bagatelle ; qu’on avait garde de me conseiller rien de criminel, mais qu’aussi il n’était pas d’un caractère droit et reconnaissant de désespérer un homme sur lequel on se sentait quelque avantage, et que, de part et d’autre, on s’en trouvait beaucoup mieux quand on voulait s’entendre. Cette morale relâchée, débitée avec un faux dehors de douceur et d’amitié, était beaucoup plus dangereuse. Je ne refusai point d’accorder les politesses ordinaires que l’usage du monde autorise, et ne me défiant point de moi je me trouvai insensiblement, et par gradation, où elles me désiraient. Une longue conversation nous mit tous d’accord, et ma tante me dit spirituellement, en se retirant, que faute de parler on mourait sans confession.

L’entretien fini, nous nous mîmes au lit, où il me fut impossible de dormir ; je n’avais jamais été si agitée : livrée à une foule de réflexions, toutes plus cruelles les unes que les autres,