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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/229

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ANCIENS MÉMOIRES

pour pacifier les choses entre ces deux princes, au moins pendant quelque temps, sans pourtant donner aucune atteinte à leurs prétentions réciproques. L’armée angloise descendit en Angleterre, et monta bientôt après sur les vaisseaux destinez pour son embarquement ; mais toute cette expédition demeura sans succès. La flotte anglaise fut battuë d’une tempête si violente, qu’il sembloit que la mer et les élemens, et le ciel même s’étoient armez contre elle ; car il tomboit d’en-haut des pierres si pesantes et si dures, qu’elles blessoient et mettoient tout en sang ceux qu’elles frappoient, si bien que les Anglois ne se pouvans pas garantir de leurs coups, se disoient les uns aux autres que ce fléau de Dieu marquoit l’injustice de leur entreprise. L’événement le fit bien connoître dans la suite ; car Édouard n’ayant qu’une armée toute délabrée, sur laquelle il ne falloit aucunement compter, se vit contraint de reprendre le chemin d’Angleterre, et de remettre la partie à une autre fois. Il s’y vit d’autant plus obligé qu’une maladie dangereuse avoit mis hors d’œuvre le duc de Lancastre.

Bertrand n’abandonna point le party de Charles de Blois : il épousa plus que jamais la querelle de ce bon prince, et depuis la levée du siège de Dinan, ce fut luy qui prit le soin de ses intérêts, commanda ses troupes, s’assura de toutes les places qu’il put pour soutenir une seconde guerre qui ne devoit pas manquer d’éclater bientôt ; et bien que Jean de Monfort eut beaucoup plus de forces que Charles, cependant Guesclin ménagea si bien les choses, qu’elles alloient de pair entre les deux partis, et la balance étoit là dessus si égale qu’on ne pouvoit pas présumer en faveur de qui la fortune se devoit déclarer dans la suite.