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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/79

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Ce grand prince[1] est mis par terre comme à la veille du jour qui lui préparoit des triomphes ; lorsqu’il meurt[2] d’impatience de se voir à la tête de son armée, il meurt en effet, et le cours de ses desseins et celui de sa vie sont retranchés d’un même coup, qui, le mettant au tombeau, semble en tirer ses ennemis, qui se tenoient déjà vaincus.

À cette triste nouvelle, les plus assurés sont surpris d’une telle frayeur que chacun ferme ses portes dans Paris, l’étonnement ferme aussi d’abord la bouche à tout le monde, l’air retentit ensuite de gémissemens et de plaintes, les plus endurcis fondent en larmes, et, quelque témoignage qu’on rende de deuil et de douleur, les ressentimens intérieurs sont plus violens qu’ils ne paroissent au dehors.

Les cris publics et la tristesse du visage des ministres qui se présentent au Louvre, apprennent cette déplorable nouvelle à la Reine ; elle est blessée à mort du coup qui tue celui avec qui elle n’est qu’une même chose, son cœur est percé de douleur ; elle fond en larmes, mais de sang, larmes plus capables de la suffoquer que de noyer ses ressentimens, si excessifs que rien ne la soulage et ne la peut consoler.

En cette extrémité, les ministres lui représentent que, les rois ne mourant pas, ce seroit une action digne de son courage de donner autant de trève à sa douleur que le requéroit le bien du Roi son fils,

  1. Ce grand prince : Ici commence le manuscrit original des Mémoires de Richelieu. Ce qui précède se trouvoit en tête de la copie d’après laquelle on a imprimé l’histoire de la Mère et du Fils. Nous avons conservé ce morceau qui paroît de la même main que les Mémoires, et qui offre une récapitulation intéressante des dernières années du règne de Henri iv.
  2. Le 14 mai 1610.