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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/129

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MENÉES ANTI-RÉPUBLICAINES

Tous les centres d’intérêt qui avait soutenu et alimenté l’activité de la nation avaient disparu : corporations de métiers, institutions d’enseignement, université de Louvain, académie de Bruxelles, associations de bienfaisance, de piété ou de simple agrément. La vie sociale n’était pas moins désemparée que la vie religieuse. Le commerce et l’industrie continuaient à languir. Nulle part encore ne se dessinaient, au sein du désordre général, les premiers contours de l’ordre nouveau. Au milieu de la misère commune le luxe bruyant affiché par quelques spéculateurs paraissait plus choquant. Dans les villes ruinées et dépeuplées, les hommes en place eux-mêmes commençaient à s’inquiéter de l’avenir.

V

Les ennemis de la France n’auraient pas manqué de tirer parti, s’ils l’avaient pu, de cet état de l’opinion. Ils ne s’étaient pas fait faute de répandre dans le pays de fausses nouvelles et d’y envoyer des agents secrets pour y nourrir le mécontentement. Les émigrés belges, pour la plupart établis en Allemagne, leur venaient spontanément en aide. Depuis le mois d’octobre 1797, plusieurs d’entre eux avaient rejoint à Emmerich, sur la rive droite du Rhin, non loin de la frontière hollandaise, des Orangistes expulsés par la République Batave. Une sorte de comité politique s’était formé là, en rapport avec les cabinets de Vienne et de Londres, ainsi qu’avec le prince d’Orange. On y faisait de la propagande clandestine, et on y élaborait de ces vagues projets dont se nourrissent toujours la tristesse et l’espoir des exilés. Les uns comptaient intéresser Dumouriez à un plan d’insurrection de la Belgique, d’autres rêvaient de la reconstitution des dix-sept provinces sous le sceptre du prince d’Orange[1].

Ces menées n’échappaient pas à la police du Directoire. Il ne s’en inquiétait guère, sans négliger pourtant de prendre

  1. P. Verhaegen, op. cit., t. II, p. 426 et suiv.