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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/101

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remarquable, tel exactement, que, si pendant la nuit, il avait cessé d’exister.

Il suffit d’approfondir quelque peu ces singulières idées pour les écarter aussitôt comme absurdes et inadmissibles. En réalité, tout se passe précisément en sens contraire. Le monde ne donnerait pas un fifrelin pour que le solipsiste dorme ou veille et, même si ce personnage fermait les yeux pour toujours, le monde en prendrait à peine connaissance tout en poursuivant, immuable, sa route ordinaire.

Devant des conséquences aussi monstrueuses, les sceptiques les plus radicaux s’effrayent eux-mêmes et reculent. Ils se replient toujours et, à vrai dire, il n’en saurait être autrement, sur la base d’une sorte de compromis entre les exigences de la raison humaine et les déductions purement logiques du point de vue qu’ils représentent. Il est d’un intérêt spécial de suivre cela dans le détail et de chercher chaque fois à quel endroit leur pensée dévie de la ligne droite.

Ainsi Georges Berkeley conclut à peu près de la façon suivante : Parmi nos impressions sensibles, il y en a qui se produisent sans et même contre notre volonté ; il faut donc que ces impressions aient leur origine ailleurs qu’en nous-mêmes. Ici la loi de causalité est appliquée de la sorte tout à fait naïvement à la genèse des sensations alors que, d’autre part, les sensations doivent pourtant être l’unique donnée et que, en admettant expressément qu’il puisse y avoir des prodiges, on s’interdit radicalement de parler d’une application universelle de la loi de causalité. Comme Berkeley était d’une nature profondément religieuse, il ne pouvait manquer de faire apparaître comme cause dernière de toute sensation et, par là même, de toutes choses en général un Créateur tout-puissant et parfaitement bon duquel on peut faire dériver tout le reste selon l’usage et, une fois de plus, exactement à la façon des rationalistes.

Résumons-nous. Voici, à peu près, comment nous pouvons exprimer le résultat de ces considérations : l’empirisme sceptique est, en logique pure, inattaquable dans ses principes et complètement irréfutable aussi dans ses déductions ; mais, développé complètement en culture pure, il aboutit en fin de compte irrésistiblement à une impasse :