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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/102

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le solipsisme. Veut-on échapper à celui-ci ? on n’a plus d’autre ressource que de sauter résolument de côté à quelque endroit, de préférence dès le début, et d’introduire une hypothèse métaphysique que ne postulent pas immédiatement les impressions sensibles et que l’on ne tire pas, non plus, par des déductions logiques.

C’est le mérite impérissable d’Emmanuel Kant, fondateur du criticisme, que d’avoir, le premier, clairement reconnu cette vérité et fait sciemment le pas sauveur. D’après Kant les impressions sensibles données par la conscience ne sont pas le seul moyen que nous ayons d’acquérir la connaissance : la raison y ajoute quelque chose du sien en tant qu’elle tire d’elle-même, indépendamment de toute expérience, certains concepts : les catégories, dont l’usage est la condition nécessaire pour que, d’une façon générale, des connaissances puissent être acquises. Il est d’importance pour notre problème que, parmi les catégories kantiennes, la loi de causalité figure et aussi qu’elle y apparaisse comme un jugement synthétique a priori dont voici à peu près le contenu : « Tout ce qui arrive suppose quelque chose d’où cela résulte conformément à une règle. » Cette proposition, selon Kant, vaut en dehors de toute expérience. Mais sa réciproque n’est pas toujours vraie, c’est-à-dire que toutes les choses qui se succèdent régulièrement ne sont pas pour autant dans un rapport de cause à effet. Y a-t-il rien qui se succède plus régulièrement, par exemple, que le jour et la nuit ? Or on ne trouvera personne pour croire que le jour est la cause de la nuit. La régularité absolue n’est donc pas, chez Kant, comme chez les sceptiques, équivalente à l’interdépendance causale. Dans l’exemple que nous venons de citer, elle tient uniquement à ce que les deux phénomènes sont les effets d’une seule et même cause qui est la rotation de la terre jointe à l’opacité du globe terrestre pour les rayons solaires.

De cette façon donc, la question de l’application universelle de la loi de causalité serait résolue par l’affirmative. On ne saurait pourtant méconnaître que la doctrine kantienne, pour satisfaisante et concluante qu’elle apparaisse dans la plupart de ses résultats, comporte, malgré tout, à cause de sa structure dogmatique, un certain arbi-