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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/21

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XV
INTRODUCTION

« que de Périandre, de Perdiccas ou de Xerxès, d’Isménias le Thébain, ou de quelque autre personnage qui se croit tout-puissant parce qu’il a beaucoup d’or ». Ainsi nous rejoignons la polémique du Gorgias, où Socrate conteste à Polos que ce soit être tout-puissant que de pouvoir tuer, spolier, exiler qui l’on veut (336 a).


Thrasymaque.

Mais nous voici en plein drame. Pendant toute la discussion qui précède, Thrasymaque, furieux, bouillonnant, n’a été contenu qu’avec peine par ses voisins. À la fin, il n’y tient plus et bondit comme une bête fauve. Est-ce là discuter ? N’est-ce pas plutôt faire un ridicule assaut de politesses mutuelles ? Que Socrate cesse le jeu où il se complaît, qu’il ne se borne plus à poser des questions et démolir les réponses, qu’il réponde à son tour. Mais pas n’importe quoi, pas une définition par le convenable, l’utile, l’avantageux, etc. Au lieu de ces sornettes, une réponse précise. Socrate s’effraie, essaie de le calmer, proteste de sa bonne volonté ; peu à peu, ses prières, celles de l’assistance et la vanité aidant, Thrasymaque consent à dire lui-même ce qu’il entend par la justice. Et la discussion recommence.

Relativement très longue, puisqu’elle occupe exactement les deux tiers du Livre I, elle est habilement coupée et dramatisée par une petite discussion entre Clitophon et Polémarque sur un détail d’interprétation, par une grossière violence de Thrasymaque suivie d’un « bain d’éloquence » et d’une fausse sortie, par un court dialogue entre Socrate et Glaucon sur la contrainte qu’est, pour les gens de bien, l’obligation d’accepter le pouvoir, par la peinture de l’embarras croissant de Thrasymaque : il ne lâche que par force ses aveux successifs, il sue à grosses gouttes, et, chose qui ne s’était jamais vue, il rougit. Amené sur la scène uniquement pour y introduire, sous sa forme la plus franche et la plus violente, la doctrine du droit de la force, il s’y démène avec la fougue tapageuse et les effets voyants d’un avocat d’assises ; comme un taureau déchaîné, il s’emporte contre les banderilles, mugit et fonce, et s’étonne de n’avoir tué personne, de retrouver calme, précis, impitoyable, son ironique adversaire ; à la fin, harassé, il tombe et gît dans un coin. Il y restera silencieux, apaisé, comme, dans le Théétète (155 e),