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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/177

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NOTICE

difficile d’attribuer à Platon, même à Platon jeune, un écrit trop différent de sa manière habituelle. Les premiers dialogues ne mettent pas en scène des personnages anonymes, d’un caractère aussi insignifiant et dont le seul rôle est de donner la réplique à Socrate. Au contraire, l’art dramatique très développé atténue ce qui pourrait rappeler dans la discussion l’exercice d’école. Mais surtout, dans les Rivaux, on ne retrouve les doctrines platoniciennes que déformées. Est-ce Platon qui aurait défini la philosophie d’une façon aussi générale : la pratique de la sagesse et de la justice et qui aurait identifié, sans la moindre distinction, sagesse, justice, gouvernement de la maison, gouvernement des cités (138 b et suiv.) ? S’il rapprochait dans une même formule les deux termes σωφροσύνη et δικαιοσύνη, il avait soin, du moins, de ne pas les confondre[1].

L’auteur des Rivaux a lu certainement plusieurs œuvres de Platon, et il s’en inspire. Nous avons dit que les tableaux de Charmide avaient pu stimuler l’imagination de notre dialogiste ; peut-être a-t-il emprunté à son modèle la scène d’émotion provoquée par la vue de la jeunesse et de la beauté, mais on conviendra que la copie est bien pâle comparée à l’original[2]. N’est-il pas probable aussi que l’imitateur a voulu reprendre un thème discuté dans le même dialogue, et qu’il a transformé maladroitement la pensée de Platon ? Le Socrate de Charmide propose également de définir la sagesse (σωφροσύνη) la connaissance de soi-même, et cela en accord avec l’inscription de Delphes (164 d). Mais il s’agit d’interpréter la formule. Que peut-elle signifier ? Sans doute, on entend par là que le sage « est capable de se connaître, de s’examiner lui-même, de manière à se rendre compte de ce qu’il sait et de ce qu’il ignore ; il est capable aussi d’examiner les autres sur ce qu’ils savent ou croient savoir... De sorte que la sagesse et la connaissance de soi-même consistent à savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas » (167 a). Une telle hypothèse est pourtant insoutenable, car, sans parler d’autres difficultés (167 b et suiv.), une science semblable

  1. Cf. une série de textes dans mon travail La Notion platonicienne d’Intermédiaire dans la philosophie des dialogues, Paris, Alcan, 1919, p. 117-128.
  2. Comparer Charmide 154 c et Rivaux 133 a.