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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/178

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LES RIVAUX

qui jugerait de ses propres connaissances et de celles des autres, supposerait une immense érudition : il faudrait, en effet, posséder toutes les techniques pour en pouvoir discuter (170 b, d). S’il en était ainsi, l’utilité de la sagesse serait incomparable : « Si le sage avait, comme nous le supposions d’abord, la connaissance de ce qu’il sait et de ce qu’il ignore, en ce sens qu’il pût distinguer les choses qui lui sont connues de celles qui lui sont inconnues, et s’il avait le pouvoir de faire sur ceux qui seraient dans le même cas un travail de même sorte, ce serait pour nous un avantage immense d’être au nombre des sages : car nous vivrions exempts d’erreurs, nous les sages, et tous ceux qui seraient soumis à notre direction. Nous-mêmes, en effet, au lieu d’entreprendre des tâches dont nous serions incapables, nous les confierions aux hommes compétents, et nous ne permettrions à nos subordonnés aucune entreprise en dehors de celles qu’ils pourraient mener à bien, c’est-à-dire celles dont ils posséderaient la science. Ainsi, sous l’empire de la sagesse, toute maison serait bien administrée, toute cité bien gouvernée, et il en serait de même partout où régnerait la sagesse… » « Admettons qu’il puisse exister une science de la science, et accordons à la sagesse ce que nous lui avons accordé d’abord et refusé ensuite, la capacité de savoir ce qu’elle sait et ce qu’elle ne sait pas. Tout cela étant accordé, examinons de plus près si, dans ces conditions, elle peut nous être utile. Nous disions tout à l’heure qu’une telle sagesse serait un grand bien si elle dirigeait l’administration d’une maison ou d’une cité ; mais je ne crois plus, mon cher Critias, que nous eussions raison de le dire[1] ». Et le dialogue conclut par la réfutation de cette hypothèse séduisante, mais trop fragile.

De ces développements, l’auteur des Rivaux a retenu quelques traits : la sagesse, c’est la connaissance de soi et des autres[2]. Évidemment, cette connaissance n’est pas érudition, et, dans leur art, les techniciens sont supérieurs aux philosophes, mais ne faut-il pas l’assimiler à la science qui consiste à se rendre capable d’administrer judicieusement sa maison ou son pays ? La philosophie n’aurait-elle pas un

  1. Charmide, 171 d e ; 172 c d (traduct. A. Croiset, tome II des Œuvres complètes de Platon, dans la Collection Guillaume Budé).
  2. Rivaux, 138 b.