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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/342

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LIVRE TROISIÈME.

nous y trouvons bien rarement des différences qui constituent des espèces, bien plus nous la divisons elle-même par les qualités qui lui sont propres), nous sommes amenés à nous demander comment nous diviserons la qualité elle-même [puisqu’elle sert à diviser les autres choses[1]].

De quelles différences en effet nous servirions-nous pour établir ces divisions et de quel genre les tirerions-nous ? Il semble absurde de diviser la qualité par la qualité. N’est-ce pas comme si l’on appelait substances les différences des substances ? Par quoi donc peut-on distinguer le blanc du noir, les couleurs des saveurs et des qualités perçues par le toucher ? Veut-on que ce soit par les divers organes des sens que nous déterminions les différences de ces qualités ? Dans ce cas il semble que celles-ci n’existeront plus dans les sujets. Comment d’ailleurs un même sens distingue-t-il la différence des qualités qu’il perçoit ? Répondra-t-on que c’est parce que certaines choses exercent une action salutaire ou dissolvante sur les yeux, la langue, etc. ? Nous demanderons ce que les sensations qu’elles excitent ont de salutaire ou de dissolvant ; puis, nous ferons observer que cette réponse n’explique pas en quoi ces choses diffèrent.

Dira-t-on enfin que ces choses diffèrent par leurs effets et qu’il est raisonnable de les diviser de cette manière ? Nous répondrons alors que les choses invisibles, telles que les sciences, peuvent bien se diviser par leurs effets, mais que nous ne voyons pas pourquoi on diviserait ainsi les choses sensibles. Quand nous divisons les sciences par leurs effets, et, en général, quand nous les classons d’après les puissances de l’âme en concluant leur différence de la diversité de leurs effets, notre esprit saisit la différence de ces puissances, et non-seulement il détermine de quels

  1. Aristote dit dans sa Métaphysique (liv. V, ch. 14) : « La qualité » première est la différence dans l’essence. » La discussion à laquelle Plotin se livre ici paraît avoir pour but d’expliquer cette assertion.